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07/05/2013

Une Europe d'Etats désunis ?

Que de chemin parcouru depuis la proposition de création d'une Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) le 9 mai 1950. Le ministre des affaires étrangères de l'époque, Robert Schuman, reprenait là une idée chère à Jean Monnet. Un embryon d'Union européenne était né. Et dorénavant, le 9 mai est la «Journée de l'Europe». Une Europe des Six qui a grandi progressivement avant de devenir d'un coup d'un seul le 1er mai 2004 une Europe des Vingt-cinq avec l'intégration de dix nouveaux États.

Les conflits meurtriers de la première moitié du vingtième siècle ont bien sûr été les "événements déclencheurs" d'une prise de conscience salvatrice. "Plus jamais la guerre" se sont dits des démocrates chrétiens. La reconnaissance du partage d'un destin et d'intérêts communs devait prendre le pas sur la fatalité de la défense d'intérêts exclusivement nationaux. Les bases d'une société européenne étaient jetées.

La paix est ainsi le principal acquis de cette construction européenne. Mais c'est l'activité commerciale qui est la première bénéficiaire de l'organisation de cet espace en un grand marché unique où a cours une monnaie unique. C'est sur ce socle qu'auraient dû être relevés des défis aussi cruciaux que : la politique étrangère, de sécurité et de défense, la coopération policière et judiciaire (celle-ci en net progrès), la solidarité économique et sociale, etc.

Toutefois, c'est peut-être la participation des peuples et leur sentiment d'appartenance à l'Union européenne qui sont les plus problématiques. Ignorés depuis toujours, les citoyens des États membres demeurent pour une large part étrangers à cette édification, et étrangers les uns aux autres. La démocratisation de l'Europe, l'éducation, la culture pourraient peut-être parvenir à vaincre certaines résistances, mais il faudrait de la volonté et du temps.

L'élargissement de l'Union en 2004 avait fait l'effet à certains d'une précipitation voire d'une fuite en avant. A juste titre. Cette décision politique est intervenue en effet avant la réforme des institutions (très insuffisante) et l'adoption d'une (pseudo-)Constitution. Dans l'idée que «Mieux vaut tenir que courir», des voix s'étaient donc élevées pour craindre des distorsions, et notamment de concurrence ; des déséquilibres, des disparités qui pourraient entraîner des tensions. Nous y sommes. Avec un constat : le retour d'une défense d'intérêts exclusivement nationaux. 

Ce n'est qu'en étant «une communauté d'idées, d'intérêts, d'affections, de souvenirs et d'espérances», pour reprendre une phrase de l'historien Fustel de Coulanges, que l'Union européenne pourrait répondre à sa vocation d'unir des hommes. Ou pour le dire autrement, "être en communion" est la condition pour "vivre en communauté", et non l'inverse. Il s'agirait donc aujourd'hui de se rapprocher, de se rencontrer comme au premier jour. Et plus si affinités. Et il n'est pas sûr que dans cette Europe des Vingt-sept depuis 2007 et bientôt des Vingt-huit (le 1er juillet 2013), il y ait encore beaucoup d'affinités. En attendant le grand marché commun entre les États-Unis et cette Europe d'États peu unis.

09/04/2013

Espéranto = "Celui qui espère"

Quelle espérance pour l'Europe ? Ni l'euro, ni l'élargissement, ni même la  "constitution européenne" n'ont été capables de faire émerger une identité européenne. Ce "supplément d'âme" pourrait venir peut-être de grands projets susceptibles d'entraîner l'adhésion des peuples. On évoque ainsi une politique étrangère et de défense commune, une Europe sociale, voire judiciaire... ; mais on ne parle guère d'une langue européenne.

Pourtant elle existe déjà depuis longtemps : l'espéranto. L'association Espéranto-France en appelle d'ailleurs aux dons pour promouvoir cette espérance d'entendre parler la même langue aux quatre coins de l'Union européenne. Et une langue autre que l'anglais dont l'usage se répand dans les instances européennes en dehors de tout débat public, et dont la suprématie entraîne de fait un déséquilibre économique et social.

Selon l'association, «Tous les intellectuels européens doivent apprendre l'anglais s'ils veulent accéder à une certaine reconnaissance de leurs travaux». «Cette étude leur coûte beaucoup de temps et d'argent», tandis que leurs collègues anglo-américains «peuvent se concentrer à 100 % sur leurs travaux». «Nos spécialistes sont même jugés en priorité sur leur connaissance de l'anglais plutôt que sur leur compétence !» dit-elle.

Il existe également une discrimination linguistique à l'embauche, en particulier dans des organisations financées par l'Union européenne (UE). C'est ainsi que certaines offres d'emplois ne s'adressent exclusivement qu'aux «Native English Speakers». Exit les 84 % de citoyens européens n'ayant pas pour langue maternelle l'anglais. L'égalité linguistique est pourtant proclamée par l'UE, mais l'anglais s'impose, sans discussion.

L'espéranto pourrait être la solution. Cette langue créée vers 1887 par un Polonais, le docteur Zamenhof, est «facile et précise». Son orthographe est «phonétique» et sa grammaire «régulière, sans exception». «Toutes ses racines sont naturelles, puisées dans les principales langues européennes.» Ainsi l'apprentissage de l'espéranto serait sept à huit fois plus rapide que l'anglais, et ce dès le plus jeune âge.

En seconde langue, l'espéranto permettrait aux Européens d'échanger autre chose que des euros, et aux pays de l'Union européenne d'économiser 25 milliards d'euros par an selon le rapport Grin. «Mi amas la vivon» : en espéranto, c'est ainsi qu'on dit «J'aime la vie». L'espérance de l'espéranto, c'est que tous les Européens disent d'une même voix et langue : j'aime l'Europe.

15/02/2013

Au pied du mur ou dans le mur ?

Nous ne pouvons pas dire que nous n'avons pas été avertis. De partout nous sont arrivés des propos alarmants. Il y a seize ans déjà, Françoise Giroud déclarait au Monde : «C'est la période la plus noire que j'ai connue, à cause de cette désespérance. Certes, j'ai vécu la guerre, les années noires de 1940-1945. Mais on espérait, on se battait. Aujourd'hui les gens se sentent impuissants, et, probablement, ils le sont».

«Plus personne ne contrôle plus rien, confiait en 2003 au Point le ministre-philosophe Luc Ferry. On est dépossédé. La marge de manœuvre et d'efficacité est étroite (...).» Et il s'interrogeait : «Est-ce qu'on est là pour décorer ? Est-ce que la politique existe ou bien disparaît-elle au profit de l'économie mondialisée et de la communication ?». Il se disait pourtant «confiant quant aux chances de limiter le contrecoup social de la mondialisation».

Limiter la casse, voilà à quoi était réduit le gouvernement. François Fillon, ministre alors des affaires sociales..., ne disait pas autre chose à un «Grand Jury RTL-"Le Monde"-LCI» : «(…) On va être placés devant des situations très difficiles en matière d'emploi dans les années qui viennent parce que l'élargissement de l'Union européenne, la montée en puissance de nouveaux pays industriels vont provoquer des délocalisations en cascade».

Mais, ajoutait-il, «nous devons éviter que le rythme de ces délocalisations soit incompatible avec la capacité de réaction de l'économie française». Comment ? Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, en parlait aux 4 Vérités sur France 2 : «On a un pouvoir de créer, disons, les conditions pour que les acteurs économiques aient envie d'entreprendre et (...) créent les conditions de cette croissance».

Quel pouvoir !? La croissance n'était pas au rendez-vous, le déficit budgétaire et la dette se creusaient. Et Jacques Attali dans L'Express annonçait avant fin 2003 un plan de rigueur, «ce qui ramènera notre puissance et notre rayonnement à sa triste mesure. Il s'ensuivra une accélération de l'augmentation du chômage : les plans de licenciement d'aujourd'hui ne sont rien à côté de ceux qui se préparent». Nous étions au pied du mur.

Au stade où, comme le soulignait Patrick Devedjan, ministre délégué aux libertés locales, «L'important, c'est de maintenir la cohésion sociale». Françoise Giroud s'exprimait encore ainsi : «On a envie de dire : arrêtons-nous cinq minutes, réfléchissons. Mais est-ce que les gens ont encore la faculté de réfléchir ? (...) Je ne crois pas au progrès moral, mais je crois au progrès social, et nous sommes en pleine régression».